Interview de Dr Jean-Jacques Mbungani – Bruxelles, le 20/02/2016
(Propos recueillis par Ghislain Zobiyo)
1. Votre parti politique le Mouvement de LibĂ©ration du Congo (MLC), est membre de cette plate forme « Dynamique de lâOpposition » qui de voir le jour. Quel est votre avis sur la naissance et la nĂ©cessitĂ© d’une telle structure?
Aujourdâhui il y a une grande mobilisation des Congolais qui ont compris, quâon doit oeuvrer ensemble pour lâavenir de notre pays. Ce regroupement sâappelle la « Dynamique de lâOpposition », Ă©largi au parti dĂ©nommĂ© G7, aux autres partis politiques et autres forces politiques de notre pays. Nous disons non. Non au dialogue politique que le chef de lâ Etat Joseph Kabila, veut imposer Ă lâensemble de la classe politique. Ce dialogue est une forme dĂ©guisĂ©e vers un glissement politique. Dans notre constitution, il est Ă©crit quâĂ la date du 19 dĂ©cembre 2016, le chef de lâEtat devra passer le tĂ©moin Ă un nouveau prĂ©sident Ă©lu. Nous sentons, nous voyons au jour le jour, la majoritĂ© prĂ©sidentielle utiliser des stratagĂšmes pour pouvoir demeurer au pouvoir. Ces stratagĂšmes passent par lâorganisation dâun dialogue politique, en pensant que les gens viendront discuter et par aprĂšs se « partager le gĂąteau » quâest la RĂ©publique DĂ©mocratique du Congo, et que le chef de lâEtat pourrait encore rester quelques annĂ©es au pouvoir. Nous refusons ce dialogue. Nous utilisons simplement les outils de notre constitution pour que demain, la loi de notre pays qui est la constitution soit respectĂ©e.
2. Quels moyens allez-vous utiliser pour faire pression, afin que votre voix soit entendue?
Nous avons beaucoup de moyens. En janvier 2015, lâopposition congolaise avait lancĂ© un appel Ă la manifestation conte la rĂ©forme de la loi Ă©lectorale. Cette rĂ©forme, prĂ©voit quâun recensement complet de la population congolaise soit menĂ© avant les Ă©lections. Cette rĂ©forme a Ă©tĂ© approuvĂ©e par la Chambre basse du Parlement. Mais il s’agit lĂ , d’une manoeuvre du prĂ©sident Joseph Kabila, de repousser le plus loin possible, la tenue des prochaines Ă©lections prĂ©vues pour 2016. Malheureusement la manifestation du 19 janvier 2015 a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©. Il y a eu des morts, mais les jeunes, les congolais sont sortis dans la rue. Le 16 fĂ©vrier 2016, lâopposition congolaise a appelĂ© Ă nouveau, lâensemble du peuple Ă observer une journĂ©e « ville morte ». Tout le monde est restĂ© Ă la maison, les rues Ă©taient dĂ©sertes. Cette rĂ©action de l’ensemble de la population Ă©tĂ© une rĂ©ussite totale. Le chef de lâEtat, la majoritĂ© prĂ©sidentielle doivent en tirer les conclusions, pour comprendre que le peuple dit non. Je vous assure que par des actions citoyennes, le peuple est une arme. Nous allons empĂȘcher ce rĂ©gime de Kabila dâaller au delĂ de ce qui est Ă©crit dans la constitution.
3. Quels sont les autres piliers sur lesquels « Dynamique de lâOpposition » va sâappuyer pour mener Ă bien ces actions et mieux prĂ©parer les futures Ă©lections?
Le premier pilier de ce mouvement câest la souverainetĂ© populaire. Nous sommes admis par notre population, parce que le peuple est fatiguĂ© de voir dans la rĂ©gion des grands lacs, ou ailleurs en Afrique, des chefs dâEtat qui se pĂ©rennisent au pouvoir. Nous avons le peuple avec nous. Qui a le peuple avec soit, a aussi la communautĂ© internationale. Aujourdâhui si la communautĂ© internationale sâimplique, câest parce quâelle a peur que quelle chose puisse se dĂ©grader comme malheureusement câest le cas au Burundi ou ailleurs. Nous sommes confiants. Nous avons le peuple avec nous la communautĂ© internationale, nous entretenons des Ă©changes avec cette communautĂ© internationale et nous sommes certain que les choses iront de mieux en mieux.
4. Ce peuple est lâobjet dâexactions multiples. lâONU a dĂ©nombrĂ© de janvier Ă novembre 2015, 143 violations des droits de lâhomme. Quelle force de pression pourrait avoir cette plateforme pour exiger du pouvoir Ă Kinshasa, de mettre fin au cycle des arrestations arbitraires des hommes politiques, des acteurs politiques, des Ă©tudiants, de mettre fin aux exactions contre la population, et sĂ©curiser les prochaines Ă©lections ?
Au niveau des ONGs des droits de lâhomme en RDC et les partis politiques, plusieurs rapports ont Ă©tĂ© fait par rapport aux exactions contre les populations. il yâa par exemple un gĂ©nĂ©ral tout puissant Ă Kinshassa, le gĂ©nĂ©ral CĂ©lestin Kaniama, qui a rĂ©primĂ© la population par la violence, lors de « lâopĂ©ration Kuluna ». Il y a tout un dossier Ă la CPI le concernant. La CPI a un oeil par rapport aux violations des droits de lâhomme qui pourraient se perpĂ©trer dans notre pays. Il yâa Human Rights Watch qui fait aussi rĂ©guliĂšrement des rapports sur la situation dans notre pays. A notre niveau nous attirons lâattention des gouvernants. Sâils veulent sâen tirer Ă bon compte, sans condamnation tant au niveau national quâau niveau international, ils devront respecter la loi de notre pays.
4. Avez-vous des garanties aujourd’hui, pour la tenue des futures Ă©lections, dans les rĂšgles dĂ©mocratiques, non entachĂ©es dâirrĂ©gularitĂ©s?
Nous voyons de la mauvaise foi de la part des gouvernants. Câest Ă dire que nous de lâopposition, attirons lâattention de tous, sur comment les Ă©lections devront se faire. Normalement les Ă©lections devront avoir lieu en novembre 2016. Elles devraient ĂȘtre appuyĂ©es 90 avant cette date. JusquâĂ prĂ©sent, quâavons-nous devant nous?. Le prĂ©sident de la Commission Electorale Nationale IndĂ©pendante (CENI), dit ouvertement et publiquement, que cette annĂ©e 2016 ne sera pas une annĂ©e Ă©lectorale. Donc nous sommes en voie dâaller vers un glissement politique. Nous, classe politique de lâopposition avec la sociĂ©tĂ© civile, feront notre pression, pour faire respecter les prescrits de notre constitution. CâĂ©tait Ă eux dâĂ©pargner financiĂšrement, pour avoir le budget nĂ©cessaire et organiser les Ă©lections. CâĂ©tait Ă eux de mettre en place les kits, pour que les jeunes soient enrĂŽlĂ©s. Il yâa la problĂ©matique de nouveaux majeurs. Il y a au moins 5 Ă 6 millions de nouveaux majeurs qui sont en droit de voter. Ces gens ne sont pas rĂ©pertoriĂ©s. Mais les moyens ne manquent pas. Je pense que toutes ces autoritĂ©s de lâEtat, qui gĂšrent mal les biens publics, devraient concentrer les finances de lâEtat Ă cet effet. Pouvoir enrĂŽler les nouveaux majeurs, oeuvrer pour un fichier Ă©lectoral crĂ©dible de maniĂšre Ă ce quâon aille aux Ă©lections. Quand ils allĂšguent quâil faut entre 16 Ă 18 mois pour que le processus se fasse dans les normes, nous disons que câest faux . Câest un gros mensonge, puisque plusieurs autres ONGs disent quâentre 6, Ă 9 mois, il est possible dâorganiser les Ă©lections dans notre pays.
5. Quelle politique allez-vous mener, pour rĂ©pondre aux diffĂ©rents dĂ©fis de cette nouvelle plate forme de lâopposition, notamment sa survie, ses actions prĂ©sentes et futures dans la concorde et les aspirations du peuple congolais?
Absolument il faut quâil y ait une conscience de tous. On a vu en 2006 quâil nây avait pas beaucoup dâunitĂ© entre les membres de lâopposition. En 2011, cela sâest reproduit. Ce que je dis, câest que pour pouvoir arriver Ă renverser un dictateur il faut que lâopposition soit rĂ©ellement unie. Nous en appelons Ă la franchise de ceux qui font parti de cette coalition, de maniĂšre Ă ce quâil y ait pas de traitrise demain, parce que le peuple est vigilant. Dans la dynamique de lâopposition, il y a plusieurs personnalitĂ©s. Aujourdâhui nous avons comme alliĂ©s, des anciens membres de la majoritĂ© au pouvoir, qui viennent nous rejoindre sous le label G7. Nous leur faisons confiance. Leur dĂ©claration de bonne intention a Ă©tĂ© publique, Nous sommes ensemble, nous travaillons ensemble, nous mettons des stratĂ©gies communes. pour essayer de ravir le pouvoir Ă tous les niveaux. Pour gĂ©rer un pays, gagner lâĂ©lection prĂ©sidentielle seule ne suffit pas. Il y a les Ă©lections lĂ©gislatives, et Ă plus bas niveau. Nous devons mettre en place une stratĂ©gie Ă©lectorale et de gouvernance commune, et puis on verra comment arriver Ă dĂ©signer un candidat commun, pour faire face au candidat de la majoritĂ©.